Anne  Sicco

« Un jour je fus garçon et fille, arbuste, oiseau et muet poisson qui saute au-dessus de la mer » Empédocle 

« Je suis la minuscule qui file son chemin » Lea Vergine

LE CHEMINEMENT

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Auteure, dramaturge, metteure en scène et pédagogue de théâtre, Anne Sicco, née à Cahors, est d'abord une femme de vision, profondément reliée au mouvement surréaliste et à l'utopie qu'il a représenté.


Son enfance au coeur de Paris dans le 3ème arrondissement, lui fait découvrir la poésie, par son père professeur de Lettres, les enregistrements vinyls de la Comédie Française et la voix fragile de Gérard Philipe, les palpitants feuilletons radiophoniques; le Cirque d’Hiver avec ses familles de trapézistes, son cortège d’animaux fabuleux et son célèbre duo de clowns Rolph et Achille Zavatta; les attractions foraines avec les numéros des derniers briseurs de chaînes de la Place de la Bastille. A la télé, ce sont les grandes dramatiques, « Les Perses d’Eschyle » qui frappent l’imagination. Il y a aussi les films cultes transportant les intrigues et les mystères de la nuit , et ceux avec le «carré blanc»…Il y a les cours de danse classique; les compétitions de natation.


Il y a l’amour infini de la mère, agent de liaison pendant la guerre, grande résistante, et l’ombre si présente de son jeune frère , maquisard, assassiné par les allemands au printemps 44, enterré en secret par les partisans.  Il y a , sur le mur de la maison familiale, dans son modeste cadre, sa photo muette , immobile, regard fragile vers l’horizon… Question ouverte.


Jeune adolescente, le théâtre est l'occasion de sorties familiales. Au T. N. P,  la première pièce à laquelle elle assiste est «La résistible ascension d’Arturo Ui». Tout se mêle, Jean Vilar, Bertolt Brecht, le grand rassemblement populaire du public fervent, le jeu de l'illusion et du masque, de l'être et du paraître. L'oeuvre est transmise au public par un passeur, l’acteurE…Temps suspendu. Inoubliable . Des discussions libres et passionnées se déroulent dans le foyer enfumé du théâtre à la fin de la représentation. Ouverture des sens; apprentissage du monde…

Il y a aussi les grandes manifs pacifistes, la répression sauvage et les  morts de Charonne, le massacre des algériens, les poursuites et les cris, juste en bas, sous les fenêtres de l’immeuble. Traumatisme et naissance d’une conscience politique. 


A dix-neuf ans Anne Sicco, institutrice, rencontre Marcel Marceau, et découvre à travers lui, la poétique du silence et de l'invisible, révélation d’un art et d’une langue qui lui était inconnus. 

En 1976, celui-ci, fondateur de l'École Internationale de Mimodrame de Paris, lui confie une des quatre classes de mime corporel puis la direction de la classe expérimentale. Elle se met alors à explorer le silence et l'écriture des corps.

Elle écrira pour lui plusieurs pièces solos dans le cadre de son one Man Show, réalisera plus tard une série de courts métrages expérimentaux, des interviews, des cahiers  de poésie et d’encres de chine en « pensée automatique». A deux reprises (pour «Abymes», et «Déserts ou les sept rêves de Sarah», pièces produites en Italie et en France) Marcel Marceau acceptera d’être mis en scène pour la première fois et travaillera dans la Cie de celle qu’il considérera toujours comme sa disciple malgré son passage au théâtre d’encre.

En 1984, elle créé sa compagnie « d’art et essai » : le THÉÂTRE DE LA SPHÈRE et présente ses premières créations en Italie. Elle marque d'emblée son originalité et sa différence avec le mimodrame classique du Maître et les grandes tendances affirmées par les compagnies étrangères du Théâtre Visuel, basées le plus souvent sur le “Body Art” ou “performance” de l'acteur. Elle fonde un théâtre dont le caractère unique et insolite est reconnu par la majorité des critiques.  Cette spécificité s'exprime entre autre par son caractère poétique et visionnaire, sa grande rigueur gestuelle, l'expression d'un nouveau tragique du silence et de la lenteur, ses emprunts novateurs aux techniques cinématographiques.

En mars 1987, Anne Sicco quitte Paris pour s'installer avec sa troupe d'abord en Italie à Florence, puis à Anglars-Juillac dans le département du Lot. Elle fonde avec le scénographe François Klère et le soutien actif de Marcel Marceau président d’honneur et artiste associé, L'OEIL DU SILENCE structure de création contemporaine, de recherche et de formation théâtrale qui fusionne avec le Théâtre de la Sphère. Elle reçoit les aides conjointes du Ministère de la Culture et de la Communication/Dmdts et Drac Midi-Pyrénées, du Conseil Régional Midi-Pyrénées, du Conseil Général du Lot,  et le soutien du Fonds Social Européen au titre de « structure culturelle à caractère novateur ».

Elle continue de présenter ses créations en France et sur les grandes scènes européennes. 

Sa compagnie a notamment été invitée au « Festival des Nations » de Francfort par Thomas Petz, produite par Nele Hertling à la manifestation d’avant-garde « Mythos Berlin » pour le 750ème anniversaire de la ville. En Italie, elle a été accueillie en résidence à Pontedera au Workcenter de Jerzy Grotowski; par Gaston Fournier dans ses Chantiers d’Art de Montepulciano où Anne Sicco rencontre le metteur en scène allemand Peter Konwinchny pour le projet sur l’Orfeo de Gluck à l’Opéra de Halle en RDA, et l’écrivain italien Alberto Asor Rosa avec qui elle partage une réflexion sur l’esthétique due la lenteur. En Allemagne Jochen Sandig l’invite pour plusieurs résidences de création au Tacheles de Berlin; puis Gérard Gélas au Théâtre du Chêne Noir d’Avignon, Daniel Mesguich au CDN-TGP de St Denis où la dramaturge retrouve le cinéaste Iradj Azimi , réalisateur du film d’art & essai « Utopia », et rencontre pour la première fois le compositeur Jean-Jacques Lemêtre du Théâtre du Soleil Ariane Mnouchkine avec qui elle travaille à de nombreuses reprises. 


En 1999, elle créé au coeur du village où la Cie est implantée, la manifestation très prisée du public les Chantiers de l’acteurE et des écriturEs; pour un théâtre d’auteurEs vivants, ouverts très largement aux écritures et aux oeuvres des femmes. Atelier-laboratoire de la Cie ,  il permet à tous les publics, dès le plus jeune âge et sans discrimination, d’observer les processus de la création contemporaine, d’ouvrir progressivement leur champ de curiosité, du répertoire à l’avant-garde. Anne Sicco y met en scène de nombreuses pièces et explore avec le Groupe de Recherches et de Création lié à la Cie, François Klère, Olivier Copin, Aurélia Marceau et Christophe Seval, de nouveaux matériaux scéniques et mène en particulier des expérimentations sur les inter-zones du langage.


En 2010, elle prend la direction artistique de L’Espace Appia. scène contemporaine  et en assure la direction générale et la programmation. Elle y accueille de nombreux artistes et personnalités, des Cies en résidence, et continue d’organiser le très important travail expérimental d’éducation artistique et culturelle territorial que L’Oeil du Silence conduit depuis sa fondation. Un lieu de partage, et d’effervescence; un lieu de silence aussi sans lequel il n'y a plus de sources, plus de vent, plus de repos.

Elle y présente, y programme et y expose pour une très large part les oeuvres des FEMMES, dramaturges, poètes, auteures, traductrices, chorégraphes, scénographes, chercheuses... 

Elle présente sa démission auprès de la DRAC et des collectivités en décembre 2018, face aux absences renouvelées de moyens techniques et financiers  adaptés. (* page Espace Appia)


Cette même année 2010, elle rencontre et se lie d’amitié avec la poétesse franco libanaise Vénus Khoury-Ghata. Bouleversée par sa poésie, elle adapte et met en scène son recueil pour l’enfance « À quoi sert la neige? », spectacle programmé entre autre aux Feuillets d’Automne de Montauban, à L’Espace Pierre Cardin de Paris, à la Fondation St John-Perse d’ Aix en Provence. Elle met également « en scène » des textes de Bernard Noël, de Sylvie Germain, de Louise Dupré. Rencontres vertigineuses avec les poètes de notre temps.

Pédagogue et chercheuse, Anne Sicco enseigne le théâtre jusqu’en 2013 au sein de son école pluridisciplinaire dans le cadre de sessions annuelles de formation de l’acteurE. L’école y forme de nombreux talents dont certains ont rejoint des compagnies comme le Théâtre du Soleil Ariane Mnouchkine ou la Cie de Didier Georges Gabily. Elle conduit également des stages en France et à l’Étranger, comme à l’Université de Toronto ou de Chicago. 

Elle a fondé et dirigé à Venise, au coeur du lycée Marco Polo, le premier Laboratoire de Théâtre de Jeunes sur une mission de l’Unesco et participé comme dramaturge à l’ « International Seminar on Art : Tolérance and Intolérance », organisé par les Nations Unies. 

Interpellée par l’impressionnant et magnétique regard de l’enfant sur le monde et sa bouleversante présence scénique lorsque celle-ci n’est pas « dressée », Anne Sicco travaille et collabore régulièrement avec ses filles aînées Camille et Aurélia depuis leur plus jeune âge.  





 TÉMOIGNAGE de MARCEL MARCEAU 

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« L’OEIL DU SILENCE , ECOUTER-VOIR »

«Je suis ému de pouvoir parler, avant de repartir à travers le monde, d'un Centre qui vient de se créer à Cahors. Je veux évoquer L’OEIL DU SILENCE, lieu de recherche et de création sur le mimodrame contemporain. La directrice du centre, Anne Sicco, y a également intégré sa troupe le «Théâtre de la Sphère». 

Cette compagnie a déjà fait ses preuves en donnant des spectacles remarquables. Ces mimodrames ont révélé le génie créateur de son animatrice qui a non seulement conçu et écrit les dramaturgies, mais en a assuré la mise en scène et tout le concept gestuel et poétique. 

Notre théâtre contemporain devra compter sur cette jeune créatrice qui nous a révélé son imagination dramatique. Il s'agit d'être à l'écoute de cette théâtralité neuve qui se distancie de tout ce qui a été vu jusqu'à présent. 

Anne Sicco a un concept très personnel de la mise en scène. Elle est à la recherche d'une nouvelle évolution dans l'art du mimodrame, et j'attire l'attention du public sur le fait que nous nous trouvons en présence d'une personnalité qui va enrichir le théâtre actuel par sa dramaturgie originale, non parce que ce théâtre est gestuel et silencieux, mais parce qu'il va dans les profondeurs de notre entité. 


Anne Sicco va de la réalité symbolique au surréalisme. Elle projette un chant lyrique silencieux intense et ses scènes sont riches visuellement et poétiquement. Peintre de l'esprit et du cœur, elle s'attache à déclencher la mémoire de notre atavisme avec une ferveur qui tient du sacré. Elle est un metteur en scène qui va mettre à l'écoute une génération qui découvre une forme de théâtre épique ayant une totale identité. Loin du brouhaha des grandes villes c'est à l'ombre des cités qu'elle a décidé de s'établir, au cœur même de la paysannerie du Quercy qu'elle chérit tant. Anne Sicco et son équipe vont préparer des œuvres nouvelles, dans cette région magique du Lot où l’Oeil du Silence peut s'épanouir et rayonner. 


Je salue avec mon âme la naissance de L’OEIL DU SILENCE, et je suis heureux de savoir que les années qui viennent verront la levée de mimodrames passionnants. Qu'il me soit permis d'évoquer le poète : «le vent se lève il faut tenter de vivre ». C'est de ce vent créateur que le Centre va se nourrir. Et chacun, là-bas et ailleurs, pourra bénéficier de cette présence car les artistes sont porteurs d'une passion qui solidarise, et met à l'écoute tout homme confronté avec sa vie intérieure. 


Abolissant les barrières du langage, L’OEIL DU SILENCE révélera que cette discipline restitue l’humanisme dont nous avons tant besoin, et qui nous fait croire en l'être humain dans ce qu'il peut avoir de déchirant de pitoyable ou de sublime à travers ses aspirations les plus secrètes et profondes. »  Marcel Marceau



INACTIF / en attente des droits de diffusion

INTERVIEW  - PORTRAIT  ANNE SICCO

27 février 2017

Radio Occitanie/ « Cap et cap »

Émission de Jacques Lavergne


« Née en 1951, au sortir des années du désastre, je me suis posée comme dramaturge avec la hantise de l’écriture. Comment aborder le langage et un usage éthique de la langue ?

Que peut le Verbe pour dire une humanité ?


Nourrie de poésie par mon père professeur de lettres, je rencontre à 20 ans Marcel Marceau et découvre son art. La métamorphose se pose alors pour moi comme le point de départ de mes réflexions sur les mouvements transitoires des formes et des genres, formes des corps, corps des mots. Ainsi, le silence comme continuum spatial exprime le flux des forces vitales de la pensée, véritable organisme vivant. Dans ces «inter-zones» des paroles sont suspendues dans l’espace, jamais prononcées ou en attente d’être prononcées. 


Au fur et à mesure de mon travail de création et de recherche, notre « collectif de création,  cellule vivante, véritable théâtre laboratoire », explore l’écriture des corps et les architectures du silence pour approcher les inter-dits, les entre-dits, plonger dans les profondeurs du non-dit, du non-su, du non- compris; voir entre, voir derrière les apparences illusoires.


Passionnée également par le cinéma underground et la bande dessinée d’art, mes travaux de recherche et de création s’appuient sur l'application au théâtre (et sans trucage) des éléments constitutifs de la technique cinématographique (cut, fondu au noir, ralenti, montage en séquences rythmiques, doublage, changements de plan, plans séquence, gros plan/ hors champ, espace libre / espace occupé, intérieur/extérieur, arrêt sur image, lumière du jour/ lumière artificielle…) et plus largement des découvertes scientifiques sur notre comportement (européen) visuel et auditif. 


D’autre part, dans la théorisation comme dans la pratique du théâtre, la lisibilité et visibilité des femmes restent encore difficiles. Les modalités spécifiques d’un rapport de domination entre les êtres humains sont tellement incorporées dans nos schémas de perception, de pensée et d’action, qu’on ne les voit plus, même lorsqu’il prend des formes extrêmes, comme c’est le cas aujourd’hui. C’est dans cette amnésie androcentriste que je me suis également interrogée. » A.Sicco

Femmes en réflexion: Camille, Aurélia et Anne

Échanges critiques pendant les répétitions des « Diamants Noirs de Ghelderode »

Complicités de soeurs « on stage » et « off stage »

Camille et Aurélia  Marceau en pause/tournage de la création « Fractales .Temps Zéro »

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